Une menace insidieuse
« Le Centre est le ciment de notre pays » déclarait Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale du Mali. Mais c’est bien dans le centre du Mali que la violence a augmenté de façon alarmante ces dernières années. Depuis 2015, le nombre d’évènements violents associés aux groupes djihadistes dans les régions de Mopti et Ségou est passé de quelques dizaines à près de 150 par an, faisant du centre du Mali la zone la plus dangereuse du pays. Plus de 500 civils y ont été tués en 2018, et plus de 60 000 ont fui les violences. Dans la région de Mopti, plus de 972 000 personnes ont besoin d’assistance humanitaire. En dépit d’une attention internationale et régionale croissante, le cycle de violence ne s’est pas stabilisé.
Cliquez pour la version PDF imprimable.
De même que le centre est devenu le point névralgique de l’activité terroriste au sein du pays, le Mali a concentré 64% de toutes les attaques commises au Sahel et liées aux groupes extrémistes en 2018. Alors que la hausse des violences est attribuée à une coalition de groupes extrémistes appartenant au Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimeen (JNIM ou « Groupe de soutien à l’Islam et au Musulmans »), un groupe en particulier a joué un rôle majeur dans cette déstabilisation : le Front de Libération du Macina (FLM), aussi connu sous le nom de « Katiba Macina ». En 2018, le FLM a été associé à 63% de tous les évènements violents dans le centre du Mali et à un tiers de ces évènements dans l’ensemble du pays.
Qu’est-ce que le Front de Libération du Macina et quelles sont ses motivations?
Le Front de Libération du Macina a fait son apparition pour la première fois en janvier 2015, se lançant pour objectif de « réinstaller la République islamique du Macina ». Ce nom est une référence directe à l’ancien Empire du Macina, qui, de 1818 à 1853, rassembla un vaste territoire comprenant les régions de Ségou, Mopti et Tombouctou. L’Empire du Macina, marqué par la domination des Peuls, fut régi par la loi islamique, qui fut alors appliquée sur l’ensemble de son territoire. Le FLM a développé un narratif fondé sur ce passé historique, misant sur un soutien populaire et poursuivant l’objectif ultime de s’emparer du centre du Mali et de se substituer à l’Etat malien.
Bien qu’elle ne l’ait pas revendiqué publiquement à ses débuts, la « katiba Macina » était initialement très étroitement liée à Ansar-Dine et son chef, Iyad Ag Ghaly. Fondé en 2012, Ansar-Dine comptait parmi les groupes djihadistes ayant fait alliance avec les groupes séparatistes touareg et ayant par la suite lancé une offensive qui s’est traduite par la prise de contrôle du nord et d’une grande partie du centre du Mali.
La katiba Macina fut fondée par Amadou Koufa, un prêcheur Peul radical de la région de Mopti. Koufa grandit dans la ville de Niafunke, au centre du Mali. Il travaille d’abord comme griot – poète traditionnel – plaidant dans ses prêches pour davantage de justice sociale et pratiquant lui-même un islam modéré. Formé dans des écoles coraniques, c’est seulement après ses 40 ans que Koufa se serait progressivement radicalisé, après avoir été en contact avec des prêcheurs pakistanais issus de la secte Dawa. Initialement connue au Pakistan sous le nom de Dawa Tabligh Jama’at, ce groupe s’est notamment implanté en Inde, en Afghanistan et au Qatar. Il gagne l’Afrique à la fin des années 1990, participant au financement de mosquées et de madrasas, tout d’abord en Algérie, en Mauritanie et en Libye. Son influence s’étend au Mali au début des années 2000.
A l’issue de ses contacts avec la secte Dawa, Koufa se rend au Moyen-Orient et en Afghanistan. À son retour au Mali, entre 2008 et 2009, sa radicalisation s’intensifie. Il s’oppose alors au nouveau code de la famille malien, qu’il juge trop progressiste (celui-ci prévoyait notamment davantage d’égalité entre les époux dans le cadre du mariage, et élevait l’âge légal du mariage pour les filles de 15 à 18 ans). Ce fut au cours de cette période que Koufa rencontra son futur mentor, le Touareg malien Iyad Ad Ghaly. C’est aussi à ce moment-là qu’il commence à diffuser ses prêches radicaux, notamment à travers les réseaux sociaux WhatsApp et Facebook.
En 2012, Koufa rejoint Ansar-Dine, qui cherche alors à prendre le contrôle du Nord du Mali avant d’entamer une offensive vers le centre et le sud du pays. Il reçoit une formation militaire entre juillet et décembre de la même année, probablement dans la région de Tombouctou. Il négocie également avec les autorités maliennes en vue d’obtenir la libération de djihadistes faits prisonniers à Kidal et à Tessalit. Le 10 janvier 2013, Koufa participe au lancement d’une offensive conjointe d’Ansar-Dine, d’AQMI et du MUJAO destinée à s’emparer de la ville de Konna, dans le centre du Mali. Il se déclare « sultan de Konna ». Cette étape marque la percée la plus importante des djihadistes en direction de Bamako, et provoque le lancement de l’opération française Serval, qui stoppe net cette avancée. Après la défaite militaire courant février 2013, Koufa parvient à se cacher, tout en continuant à soutenir les attaques djihadistes dans le Nord et le Centre du Mali et à tenir le rôle de leader spirituel auprès de nombreux militants islamistes.
Au cours de cette période « d’incubation », Koufa a continué à tisser des liens avec d’autres groupes djihadistes. Le FLM est considéré comme étant notamment composé d’anciens membres du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et d’Al-Mourabitoune. Collaborer avec d’autres groupes semble constituer l’une des caractéristiques du FLM depuis son apparition sur la scène malienne. Dans sa première vidéo, qui fut rendue publique le 18 mai 2016, la katiba Macina se présentait comme affiliée à Ansar-Dine et à son chef Iyad Ag Ghaly, suggérant qu’il s’agissait de la « branche peule » d’Ansar-Dine. Dans une autre vidéo publiée le 2 mars 2017, Amadou Koufa apparut cette fois aux côtés d’Ag Ghali et d’autres chefs djihadistes, dans ce qui est considéré comme l’acte de naissance du JNIM.
Les premières attaques officiellement attribuées au FLM au début de l’année 2015, dans les villages de Nampala, Ténenkou et Boulkessi, furent dirigées contre des cibles militaires. En août 2015, le FLM fut sans doute à l’origine d’une attaque majeure contre l’hôtel Byblos à Sévaré, connu pour recevoir de nombreux expatriés et employés internationaux. Treize personnes furent tuées, dont quatre soldats maliens et cinq contractuels de la MINUSMA. Plus tard au cours du même mois, l’imam de la ville de Barkérou, Aladji Sékou, qui s’était inscrit en opposition à Koufa, fut brutalement assassiné. Le FLM revendiqua également l’attaque du 20 novembre 2015 contre l’hôtel Radisson. Cette attaque, également revendiquée par Al-Mourabitoune, fit 22 victimes.
Le FLM a eu recours à différentes tactiques : IEDS, explosions et attentats suicides, à l’instar de l’attaque perpétrée contre le siège de la Force conjointe du G5 Sahel, le 29 juin 2018. Au total, le groupe est soupçonné d’être responsable de la mort de centaines de soldats maliens. Si le nombre réel d’individus liés au FLM est difficile à établir, il est estimé entre plusieurs centaines et plusieurs milliers, notamment en prenant en compte le réseau de personnes apportant du renseignement humain et participant au soutien logistique. Les djihadistes du FLM contrôleraient désormais des dizaines de villages dans le centre du Mali.
Amadou Koufa était donné pour mort depuis une frappe de l’opération Barkhane survenue en novembre 2018. Il est réapparu, visiblement indemne, fin février 2019 dans une vidéo de propagande jihadiste. Le FLM semble avoir conservé une capacité operationnelle importante.
Des tensions aux racines profondes
Incontestablement, le FLM relève du mouvement opportuniste. Ses responsables semblent tous avoir été inspirés et guidés par les théoriciens fondamentalistes d’AQMI et d’Ansar-Dine. Selon des documents découverts par des journalistes au Mali après l’intervention française en 2013, le leader d’AQMI avait conseillé à AQMI et à ses alliés, y compris la katiba Macina, de se faire passer pour un mouvement aux racines entièrement locales et d’éviter de communiquer sur la vocation et le projet d’expansion jihadiste de chacun de ces groupes. Conformément à cette stratégie, le FLM a mis en avant ses racines locales et dissimulé ses liens avec les groupes djihadistes internationaux. Ce faisant, il est parvenu à demeurer un certain temps sous le radar des efforts développés par la communauté internationale en termes de contre-terrorisme.
Après l’échec de l’insurrection djihadiste en janvier 2013, les militants islamistes se sont éparpillés et cachés parmi la population, notamment au Mali et au Niger. Le retour du gouvernement malien au centre du Mali s’est accompagné de nombreuses allégations d’abus à l’encontre des populations locales, y compris d’exécutions sommaires par les forces armées maliennes. De même, plusieurs épisodes de châtiments collectifs ont été rapportés, des incidents qui n’ont que rarement donné lieu à des poursuites.
Le retour des employés et représentants de l’État malien s’est, en outre, accompagné d’un retour du racket et du rançonnage de la population. En effet, pour certains habitants, le départ des officiels maliens signifiait, en filigrane, la fin des taxations abusives, des pratiques prédatrices et d’autres formes de harcèlement.
Dans ce contexte, Koufa et ses lieutenants ont compris qu’il y avait une fenêtre d’opportunité dans le centre du Mali, un territoire déjà particulièrement vulnérable.
Marginalisation économique
Le centre du Mali, depuis plusieurs années, est devenu la zone la plus pauvre de l’un des pays figurant déjà parmi les plus pauvres au monde.
Les conditions de vie demeurent particulièrement difficiles dans le centre du Mali. En 2009 dans les régions de Mopti et de Ségou, la mortalité infantile s’élevait à 120 enfants pour 1000 naissances, contre 83 pour 1000 dans les zones urbaines. Le taux de pauvreté y est estimé autour de 60% de la population, tandis qu’il est de 11% à Bamako. Concrètement, cela signifie que le centre du Mali, depuis plusieurs années, est devenu la zone la plus pauvre de l’un des pays figurant déjà parmi les plus pauvres au monde. En 2014, il disposait des taux d’électrification par ménage (7% contre 23% au niveau national) et de scolarisation primaire (42% contre 72% au niveau national) les plus faibles du pays.
Dans ce contexte, le discours du FLM a trouvé un écho en proposant une alternative à l’extrême pauvreté. La promesse de gains financiers conséquents a joué un rôle majeur en tant qu’argument de recrutement, en particulier pour les jeunes hommes. Le FLM aurait proposé jusqu’à 750.000 francs CFA (1300$) aux candidats à des attentats kamikazes, une petite fortune au centre du Mali.
L’accès à l’éducation constitue un autre défi majeur. En raison du nombre limité d’écoles publiques dans le centre du Mali, la plupart d’entre elles sont des écoles coraniques. Quand ils sont disponibles, les modèles d’enseignement traditionnels sont par ailleurs jugés largement inadaptés aux besoins de communautés nomades, au mode de vie pastoral fondé sur la transhumance. En ciblant les structures éducatives, le FLM s’est employé à renforcer l’obligation pour les familles de choisir une éducation religieuse pour leurs enfants, cultivant par là même un vivier de recrutement potentiel dans la région.
Tensions interethniques
L’efficacité d’Amadou Koufa provient en partie de son aisance à l’emploi de la radio comme moyen de propagande et à communiquer en fufulde, la langue de l’ethnie peule. Ses appels en faveur de l’égalité des chances et de réformes politiques ont trouvé un écho particulier chez les jeunes éleveurs peuls, exaspérés par les vols de bétails récurrents, les abus des autorités administratives et de certains chefs traditionnels. En outre, ces jeunes sont en proie à une crise d’identité liée à une remise en question des modèles traditionnels dans le domaine religieux, ethnique et intergénérationnel, que traversent de nombreuses communautés au Sahel.
Cette tendance explique que de nombreuses recrues du FLM sont considérées peules, et le fait que certains médias maliens fassent souvent référence au FLM en tant que « mouvement peul ». Néanmoins, il existe peu d’indications permettant d’affirmer que le FLM rassemble des Peuls venus d’ailleurs en Afrique de l’Ouest. Même au Mali, il est impossible de savoir précisément combien de Peuls ont effectivement rejoint le mouvement, sur les trois millions (soit 17% de la population) que compte le pays.
Le FLM a ainsi utilisé le ressentiment de la communauté peule pour alimenter les tensions et les rivalités entre ethnies, dont certaines existaient depuis des décennies. Des tensions latentes opposent depuis longtemps certains éleveurs, principalement issus de l’ethnie peule, à des fermiers, majoritairement Dogon (Bambara). Mais jusqu’à la fin des années 2000, elles étaient la plupart du temps résolues de manière pacifique, et les épisodes de violence demeuraient limités dans le temps et dans l’espace.
De façon ingénieuse, Amadou Koufa a manipulé ces tensions, relayant le sentiment d’injustice et de discrimination largement répandu au sein de la communauté peule et instrumentalisant ce ressentiment pour susciter un soutien populaire. Celui-ci trouve ses racines dans des épisodes concrets particulièrement mal vécus par la communauté peule. Ainsi, en mai 2012, un conflit foncier dégénéra et conduit au massacre de 16 éleveurs peuls par des fermiers Dogon à Sari, dans le cercle de Koro (sud-est de Mopti), où aucun policier n’était présent. Cette attaque, pour laquelle aucune enquête ne fut lancée, et qui ne donna lieu à aucune condamnation, est considérée comme ayant joué un rôle direct dans la décision de certains Peuls nomades de prendre les armes. La même année, certains d’entre eux rejoignirent les groupes extrémistes occupant Gao. Depuis 2015 et l’ascension de la katiba Macina dans le centre du Mali, celle-ci a été accusée de cibler les Dogons et les chasseurs Dozos, souvent en représailles de violences commises contre les Peuls. En étant stigmatisés comme « tous djihadistes », les Peuls sont à leur tour devenus les cibles de violentes attaques. La violence communautaire a ainsi augmenté de façon exponentielle dans le centre du Mali depuis début 2018, et les Peuls sont considérés comme étant parmi ceux comptant le plus grand nombre de victimes. Pour ajouter encore à la complexité, les observateurs craignent désormais que des mercenaires étrangers aient été recrutés pour fomenter de nouvelles tensions interethniques et provoquer de nouveaux affrontements.
Les Peuls ont toujours occupé une place particulière au Mali, et ils ont le sentiment d’avoir été marginalisés politiquement et économiquement.
En raison de leur mode de vie nomade, les Peuls ont toujours occupé une place particulière au Mali, et ils ont le sentiment d’avoir été marginalisés politiquement et économiquement. Ils estiment notamment que les accords de paix consécutifs aux rébellions touarègues du Nord n’ont pas pris en compte leurs intérêts, récompensant au contraire ceux qui se rendaient coupables de vols de bétails et de pillages. Ils entretiennent donc le sentiment d’être traités comme des citoyens de seconde classe. Qu’il soit bien réel ou également le résultat d’une perception, ce sentiment d’exclusion et de sous-représentation des Peuls a nourri un mécontentement grandissant au sein de la communauté, et a joué un rôle-clé dans l’attractivité du FLM dans le centre du Mali.
Une réponse à l’absence chronique de l’État
Le FLM a poursuivi une double-stratégie dans le centre du Mali. Tout en dénonçant l’absence de services publics, il a activement contribué à chasser les représentants de l’État, usant de violences et d’intimidations. En parallèle, le groupe a progressivement établi son contrôle sur de vastes zones et s’est arrogé certaines fonctions régaliennes comme en matière de justice, de sécurité, d’économie et d’éducation. Depuis 2015, cette stratégie a mené au désengagement progressif de l’État et au départ de ses représentants (policiers, professeurs, militaires et préfets) du centre du Mali. A la fin de l’année 2018, 478 écoles étaient fermées dans les régions de Mopti et de Ségou, soit 68% des écoles pour la seule région de Mopti. 65% des écoles fermées au Mali se trouvent dans le centre. Seules les structures de santé ont été épargnées par les djihadistes.
Le FLM a poursuivi une double-stratégie dans le centre du Mali … Depuis 2015, cette stratégie a mené au désengagement progressif de l’État.
Le FLM a ainsi imposé la Charia pour résoudre les conflits, lancé une nouvelle taxe (la zakat) et imposé des normes comportementales et vestimentaires strictes, particulièrement à l’encontre des femmes. En dépit des conditions difficiles imposées par les djihadistes, force est de constater que ces derniers sont parfois perçus comme une alternative acceptable à l’État malien, dont les institutions sont largement perçues comme corrompues et prévaricatrices par les communautés locales. Les représentants officiels, notamment des membres des Eaux et forêts ou des forces de sécurité, sont ainsi accusés d’extorquer de l’argent des bergers au cours de leurs nombreux voyages.
Pour l’État malien, le défi réside donc non seulement dans le retour à la sécurité, mais aussi dans la reconstruction d’un lien de confiance avec les populations locales.
Les réponses nationales et internationales
La réponse gouvernementale à la menace extrémiste grandissante a tardé à venir au centre du Mali. Après l’insurrection de 2012 ayant vue s’allier des groupes djihadistes aux indépendantistes Touaregs, l’attention s’est focalisée sur le nord du pays. Néanmoins, depuis 2017, les acteurs nationaux, régionaux et internationaux, comme le G5 Sahel, ont lancé des initiatives significatives en termes de défense et de développement pour répondre aux besoins des populations du centre du Mali.
Le 28 juin 2018, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2423 renouvelant le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et confirmant ses effectifs de 13 289 militaires et de 1920 policiers. Avec l’aide de la France, le G5 Sahel – un partenariat entre les gouvernements du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger – a lancé une force conjointe (FC-G5S) en février 2017, avec l’objectif de faire face aux problématiques sécuritaires menaçant toute la région. Initialement établi à Sévaré en raison de sa position stratégique centrale, le siège de la force conjointe a dû être relocalisé à Bamako, après qu’une attaque terroriste a détruit complètement ses locaux, le 29 juin 2018.
Le G5 Sahel, l’Union européenne, la mission des Nations Unies MINUSMA, les États-Unis et d’autres acteurs ont également consacré d’importantes ressources à l’équipement et à la formation des forces de sécurité maliennes. En janvier 2017, les forces armées maliennes (FAMa) ont lancé l’opération Dambé, forte de 4000 hommes, avec l’objectif de mettre un coup d’arrêt aux violences djihadistes.
Ancien ministre de la Défense et ancien chef des services de renseignement, Soumeylou Boubèye Maïga a été nommé Premier ministre le 31 décembre 2017. Celui-ci a rapidement pris conscience de l’urgence de la situation. Dès février 2018, il s’est rendu dans plusieurs villages affectés par les violences près de Mopti afin de soutenir la population et d’y annoncer un renfort de 4000 soldats supplémentaires et de moyens et d’équipements supplémentaires pour les FAMa.
En décembre 2018, le gouvernement a annoncé un nouveau programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) destiné à plusieurs milices et groupes armés, avec l’objectif de proposer des alternatives aux membres qui feraient le choix d’abandonner la lutte armée. En janvier 2019, le président Ibrahim Boubacar Keïta s’est rendu lui-même dans le centre afin d’y annoncer la mise en place d’une nouvelle base militaire.
Outre davantage de formations et d’équipement, il est crucial de renforcer le contrôle de l’action des forces armées vis-à-vis des populations locales. Les allégations régulièrement rapportées d’abus et d’exécutions arbitraires sont particulièrement néfastes, dans la mesure où elles donnent corps au discours des djihadistes et affaiblissent encore la confiance déjà faible des populations dans des forces de sécurité chargées de les protéger. Ce fut le cas, par exemple, lorsque le 19 mai 2018, quelques mois seulement après le lancement officiel de la Force conjointe du G5 Sahel, au moins 12 civils furent abattus par des éléments des forces armées maliennes en représailles à l’assassinat d’un soldat malien à Boulikessi, dans la région de Mopti. La MINUSMA a été sollicitée pour fournir un appui dans le cadre de l’enquête diligentée sur cet acte. Mais cet incident tragique souligne l’importance de la justice, aspect aussi important que le renforcement des capacités pour les forces de sécurité. C’est seulement en conduisant des enquêtes fiables et en s’attachant à ne pas laisser de tels actes impunis que le gouvernement sera à même de regagner en crédibilité et de reconstruire un lien de confiance largement abîmé.
Au-delà d’un retour de la sécurité, il y a la nécessité de favoriser le retour des services publics, en particulier une éducation de qualité et porteuse d’opportunités pour la jeunesse. Comme le montrent les expériences passées, le retour des services publics doit s’accompagner de mesures visant à garantir que les agents publics puissent rendre des comptes et que les mesures annoncées bénéficient concrètement aux populations cibles.
Le FLM a dès le départ intégré la communication en tant qu’élément central de sa stratégie. Pour le gouvernement malien, contrer cette stratégie signifie le développement d’une communication alternative de la part des pouvoirs publics, y compris à la radio et sur les réseaux sociaux. Ce narratif doit comporter un message fort en particulier en direction des Peuls, et les rassurer sur le fait que le gouvernement n’est pas « anti-Peul », comme le FLM tente de les en convaincre.
En l’espace de quelques années, le FLM s’est imposé comme un acteur majeur dans le centre du Mali. Au cours de ce processus, il a prouvé qu’il cherchait à s’établir sur un territoire et à occuper des fonctions régaliennes. Il faudra du temps et des mesures simultanées sur les aspects politiques, économiques et éducatifs pour le déloger durablement de la région.
Ressources complémentaires
- Centre d'études stratégiques de l'Afrique, « Aperçu des réponses sécuritaires régionales au Sahel », Infographie, 4 mars 2019.
- Centre d'études stratégiques de l'Afrique, « La menace complexe et croissante des groupes islamistes militants au Sahel », Infographie, 15 février 2019.
- Centre d'études stratégiques de l'Afrique, « Augmentation de l’activité des groupes islamistes militants au Sahel », Infographie, 29 octobre 2018.
- Centre d'études stratégiques de l'Afrique, « L’élection présidentielle au Mali: Une étape vers la stabilisation d’un État faible », Éclairage, 25 juillet 2018.
- Luca Raineri, « If Victims Become Perpetrators: Factors Contributing to the Vulnerability and Resilience to Violent Extremism in the Central Sahel », International Alert, juin 2018.
- Centre d'études stratégiques de l'Afrique, « La force conjointe du G5 Sahel prend de l’envergure », Éclairage, 9 février 2018.
- Kaley Fulton and Benjamin P. Nickels, « Les pastoralistes d’Afrique : Un nouveau champ de bataille pour le terrorisme », Centre d'études stratégiques de l'Afrique, Éclairage, 11 janvier 2017.
En plus: Contrecarrer l’extrémisme le Sahel Mali